Québec semble avoir perdu le contrôle des piluliers, dont les coûts ont explosé depuis 10 ans pour atteindre la somme record de 495 millions $ en 2015, soit 35 % de l’ensemble du régime public d’assurance médicaments.
Selon les plus récentes données, plus de 150 000 Québécois de 75 ans et plus ont recours au pilulier. Le pourcentage du coût des piluliers sur l’ensemble des services du régime public est neuf fois plus élevé qu’en 2001 (voir tableau). La hausse de leur utilisation est beaucoup plus rapide que le vieillissement de la population.
Ces petits boîtiers en plastique sont utilisés pour répartir les médicaments selon le jour et l’heure d’utilisation. Les pharmaciens facturent environ deux fois plus cher par mois que pour les ordonnances exécutées en pharmacie.
En juin 2015, le ministère de la Santé et l’Association des pharmaciens propriétaires s’étaient entendus sur le fait qu’au-delà de 25 % le coût des piluliers était plus haut que la tendance historique et qu’il fallait s’y attaquer.
Pas de solution concrète
Pourtant, aucune solution concrète n’a encore été soumise par le comité formé par le ministère et l’AQPP. Ce comité s’est réuni à quatre reprises depuis 2015 pour trouver les causes de cette hausse.
Selon l’AQPP, elle est en partie due à l’organisation des soins de santé. Les gens restent moins longtemps à l’hôpital et sont transférés dans des ressources intermédiaires, des unités transitoires ou reçoivent des soins à domicile. «Le modèle pour la gestion du risque, c’est le pilulier», indique le pharmacien Benoît Morin.
Ce dernier dit également que les aînés en résidence vont souvent l’utiliser, particulièrement ceux nécessitant des soins infirmiers. Il y a un mois, notre Bureau d’enquête avait révélé les pratiques controversées de certains pharmaciens pour vendre des piluliers dans les résidences.
Des économies pour le réseau ?
Selon le président de l’AQPP, Jean Thiffault, le recours au pilulier permet d’éviter des coûts au système de santé, notamment en permettant aux gens de recevoir des soins à domicile.
«Il faut trouver des solutions, mais le chiffre de 25 % (fixé dans l’entente avec Québec) est totalement arbitraire. Ça ne se base pas sur le vieillissement de la population et le changement des règles d’affaires.»
Au Ministère, on se contente de dire que le comité va poursuivre son travail sans donner d’échéancier. On insiste aussi pour dire que la hausse de l’an dernier n’a été que de 5,6 %, comparativement à 10,2 % l’année précédente.
L’an dernier, le ministre a imposé des ponctions dans les honoraires des pharmaciens, notamment pour les piluliers.
ELLE REFUSE DE PRENDRE LE PILULIER
Une dame de Candiac dénonce le fait qu’on ait voulu forcer son mari à recevoir ses médicaments en pilulier, alors qu’il a toute sa tête et qu’il n’était pas intéressé.
«Ils ont ri de moi quand je leur ai dit qu’on n’en voulait pas», lance Thérèse Bellot, dont le mari prend plusieurs médicaments par jour.
Elle raconte que, dans au moins deux pharmacies, on a tenté de les convaincre de prendre le pilulier plutôt que les flacons de médicaments qui lui étaient prescrits. En début d’année, ils ont accepté de l’essayer pour un mois, mais ils n’ont pas aimé l’expérience, notamment parce qu’il y avait une erreur dans une des petites cases. De plus, les piluliers prenaient beaucoup plus d’espace dans les armoires.
Après avoir argumenté avec le pharmacien, ils ont préféré changer de professionnel. Depuis, son mari a recommencé à recevoir ses médicaments en flacons tous les mois. Il fait lui-même sa préparation de pilulier chaque semaine.
Payant pour le pharmacien
Cette dernière croit que les pharmaciens préfèrent les piluliers parce que c’est plus payant. De plus, comme les piluliers sont renouvelables tous les 28 jours, le pharmacien reçoit des honoraires pour l’équivalent de 13 mois plutôt que 12 pour les renouvellements d’ordonnances mensuels.
«Le pharmacien fait de l’argent avec ça puisque c’est renouvelé aux 28 jours plutôt que 30 ou 31», dit-elle en se disant préoccupée par les coûts du régime public d’assurance médicaments.
Pour le pharmacien Benoît Morin, il faut être prudent. Selon lui, le pilulier n’est pas prescrit sans raison. «Il y a une résistance naturelle du client au pilulier», dit-il en précisant que les pharmaciens qui demandent de prendre le pilulier le font pour des raisons de sécurité et doivent remplir un formulaire justifiant ce choix.