La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a confirmé mercredi que la consommation de marijuana sera permise dans les lieux publics de la ville avec essentiellement les mêmes restrictions que le tabac, comme le prévoit la Loi encadrant le cannabis adoptée par l’Assemblée nationale en juin.
Il sera donc possible de fumer du cannabis dans les parcs et sur les trottoirs de Montréal, sauf dans les cinq arrondissements dirigés par des élus de l’opposition qui ont annoncé leur intention d’interdire, à divers degrés, la consommation dans les lieux publics. La mairesse Plante n’entend pas rappeler à l’ordre les conseils de ces arrondissements, jugeant qu’ils jouissent de la compétence pour adopter des règlements plus restrictifs. En matière de cannabis, le territoire montréalais aura l’aspect de l’emmenthal, avec ses poches de prohibition dans certaines anciennes villes de sa banlieue.
Montréal se retrouve donc parmi le petit nombre de municipalités qui ont décidé de s’en tenir au cadre suggéré de la Loi, comme Laval, Gatineau et Trois-Rivières. Invoquant l’autonomie des municipalités, le gouvernement Couillard leur a toutefois donné le loisir de se montrer plus restrictives, jusqu’à imposer la prohibition complète dans tous les espaces publics. C’est ce qu’une dizaine de municipalités d’importance, notamment Québec, Drummondville, Sherbrooke et Saguenay, ont choisi de faire. L’Union des municipalités du Québec (UMQ) a d’ailleurs insisté pour que l’autonomie municipale en cette matière soit pleinement respectée.
La mairesse Plante a expliqué qu’une approche permissive s’imposait dans le contexte particulier de la métropole, où la population étudiante est importante alors qu’on sait que les plus grands consommateurs de cannabis se retrouvent parmi les 18-25 ans. En outre, elle a aussi fait valoir que 60 % des Montréalais sont locataires, sans compter les nombreux résidents d’appartements en copropriété. Or les propriétaires d’immeubles locatifs et les associations de propriétaires de logements en copropriété sont de plus en plus prompts à interdire la consommation de marijuana.
On doit saluer cette décision sensée de l’administration Plante, qui a choisi la modération plutôt que la prohibition complète dans l’espace public, une interdiction quelque peu hystérique qui conduit à la situation absurde où des centaines de milliers de locataires québécois ne pourront consommer de cannabis nulle part.
Au lieu d’opter pour une forme de répression, certains maires devraient s’en tenir aux exigences de base de la Loi, quitte à apporter des ajustements par la suite, en toute connaissance de cause. Agir en tenant compte de l’expérience, du réel, plutôt que céder à des craintes non avérées.
On peut comprendre que d’aucuns s’opposent encore à la légalisation du cannabis. C’est particulièrement vrai au Québec, comparativement aux autres provinces, non pas parce que l’usage du cannabis est plus répandu ici qu’ailleurs, mais, au contraire, parce qu’il l’est moins. Selon les dernières données de Statistique Canada, il y a moins de consommateurs de marijuana au Québec (10 % des adultes seulement) qu’en Colombie-Britannique (20 %) et en Ontario (15 %).
Consommer du cannabis n’est pas une bonne chose en soi et présente certains risques, mais sa prohibition est pire, sur les plans de la santé publique, de la lutte contre le crime organisé et, plus largement, de la justice alors qu’encore hier, la simple possession de mari pouvait se traduire par un casier judiciaire.
Or non seulement le nouveau gouvernement de la Coalition avenir Québec veut empêcher les jeunes adultes de 18 à 20 ans d’acheter légalement du cannabis, mais il entend interdire sa consommation dans tous les lieux publics, dans toutes les municipalités. Si ce n’était du ridicule, on pourrait même se demander si la forêt publique sera visée. Constatons seulement que le gouvernement Legault entend prendre tous les moyens à sa disposition pour entraver la légalisation de la marijuana.
Aussi, il y a lieu de se surprendre de l’attitude amorphe de Valérie Plante, qui ne veut pas se lancer dans une « bataille » pour défendre le règlement adopté par son administration. Serait-ce une façon détachée, voire zen, de faire de la politique autrement : prendre une décision dans l’intérêt des Montréalais pour ensuite refuser avec désinvolture de la défendre ?
On doit espérer que l’UMQ, qui a approuvé la prohibition au nom de l’autonomie municipale, invoque le même principe pour défendre avec énergie l’administration Plante contre le travail de sape auquel veut procéder le gouvernement Legault à l’endroit de la légalisation du cannabis au Québec.