La députée d’Iberville, Claire Samson, ne cachait pas sa déception d’avoir été exclue du nouveau Conseil des ministres jeudi dernier, quittant le Salon rouge avant la fin de cérémonie d’assermentation de ses collègues plus heureux.
Sa longue feuille de route dans le monde de la télévision et du cinéma, où elle a assumé des fonctions de haut niveau, en faisait une candidate toute désignée à la Culture et aux Communications.
Qui plus est, le rapport qu’elle avait présenté en novembre 2016, intitulé « Une langue commune à tous et pour tous », était devenu la politique officieuse de la CAQ en matière de langue.
Sa publication était survenue à un moment stratégique pour François Legault. Quand il s’est transformé en fier Canadien, il était impératif qu’il donne des gages de son nationalisme. Le rapport de Mme Samson, qu’il n’a cessé de louer par la suite, lui a fourni cette caution.
C’est ce rapport qui a établi le principe de la francisation obligatoire des immigrants et fait du succès à un examen la condition de l’obtention du certificat de sélection permettant de demander la citoyenneté canadienne. Il n’y était cependant pas question d’expulsion en cas d’échec.
Claire Samson n’est évidemment pas la première à faire l’expérience de cette « ingratitude » qu’on dit si fréquente en politique. Au fil des décennies, des exclusions spectaculaires ont marqué la formation des nouveaux gouvernements : Jean-Guy Cardinal en 1976, Reed Scowen en 1985, Camille Laurin en 1994, Pierre Paradis en 2003.
Il est vrai que la composition d’un cabinet est un exercice d’équilibrage difficile qui nécessite souvent des choix douloureux. Mme Samson représente une circonscription située dans une région, la Montérégie, qui a élu une flopée de caquistes et qui est surreprésentée au Conseil des ministres. Elle est néanmoins en droit de se demander pourquoi c’est elle qui a écopé plutôt qu’un(e) autre.
M. Legault a décidé d’attribuer la Culture et les Communications à sa collègue de Montarville, Nathalie Roy, qui s’était surtout signalée par sa lutte incessante contre le port de signes religieux et le projet de loi 62 sur la neutralité religieuse de l’État, que le gouvernement Couillard a traîné comme un boulet durant la plus grande partie de son mandat.
L’opposition est une chose, le gouvernement en est une autre. On peut très bien comprendre que le premier ministre ait préféré confier un dossier aussi délicat à Simon Jolin-Barrette, qui a démontré un sens politique supérieur au cours des dernières années.
On ne peut pas parler de la nomination de Mme Roy comme d’un contre-emploi, au même titre que celle de sa collègue de Chicoutimi, Andrée Laforest, que la gestion d’une garderie ne semblait pas destiner aux Affaires municipales.
Sans minimiser l’expérience de Mme Roy à la télévision, elle n’a cependant pas la même connaissance du milieu culturel que Mme Samson. M. Legault a peut-être pensé que la personnalité de cette dernière, qui ne fait pas dans la dentelle, détonnerait un peu trop avec le raffinement ambiant.
La politique culturelle et le plan d’action 2018-2023 de 600 millions dévoilés en juin dernier par l’ex-ministre Marie Montpetit, après deux ans de consultation, avait été très bien accueillie, même s’il était difficile de ne pas y voir de préoccupations électorales.
M. Legault avait alors indiqué que certaines modifications pourraient y être apportées si la CAQ prenait le pouvoir, mais que les fondements de cette première politique culturelle en plus d’un quart de siècle ne seraient pas remis en question. On peut donc penser que Mme Roy inscrira son action dans la continuité.
Ce sont les intentions du nouveau gouvernement en matière de langue, dont Mme Roy est également la ministre responsable, qui suscitent des interrogations. Mme Samson aurait sans doute tenu à ce que les recommandations de son rapport soient appliquées intégralement. Lui survivront-elles ou sa mise à l’écart est-elle aussi une façon de les assouplir ?
Lors de sa formation de son cabinet, M. Legault n’a pas retenu celle de remplacer le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion par un nouveau ministère de l’Immigration et de la Francisation de manière à donner « un signal fort pour montrer l’importance accordée à l’enjeu de la francisation ».
Le rapport de Mme Samson proposait aussi la création d’un Commissaire de la langue française, nommé par l’Assemblée nationale, qui serait notamment chargé de recevoir les plaintes du public et de faire des recommandations touchant l’application de la loi 101 et d’une nouvelle Politique nationale de francisation.
La communauté anglophone — et le PLQ — ne manquerait pas d’y voir la résurrection de ce qu’elle qualifiait jadis de « police de la langue ». Comme dirait l’autre : « On verra. »