Tout indique que les électeurs québécois éliront lundi prochain un gouvernement minoritaire, avec toute l’incertitude que cela comporte. Une fois les résultats connus, la principale question sera : combien de temps cela durera-t-il ?
Le passé récent ne nous a pas habitués à une grande longévité. Pauline Marois a été première ministre pendant dix-huit mois. Le deuxième mandat de Jean Charest en avait duré vingt. À ce stade-ci de la campagne, seuls le PLQ et la CAQ ont des chances réelles de victoire. Ni le premier ministre Couillard ni François Legault n’envisagent la possibilité d’une coalition. L’un et l’autre devront donc compter sur des alliances ponctuelles pour assurer la survie de leur gouvernement.
Comme chacun sait, la politique fait d’étranges compagnons de lit. Les affinités idéologiques ne sont pas garantes d’une entente, pas plus que les divergences ne constituent un obstacle insurmontable. Dans une situation de gouvernement minoritaire, c’est plutôt l’intérêt immédiat des uns et des autres qui conditionne les alliances.
Dès le 2 octobre, il est à prévoir qu’au moins un des trois principaux partis, sinon deux, sera plongé dans une course à la chefferie à tout le moins officieuse, ce qui assurera un certain répit au nouveau gouvernement.
Le soir même de l’élection d’avril 2014, les trois principaux prétendants à la succession de Pauline Marois, vaincue dans sa circonscription de Charlevoix, étaient montés sur scène avant même que la première ministre ait pris la parole. L’image avait été saisissante.
Si Jean-François Lisée est battu dans Rosemont, il serait étonnant de voir les aspirants à sa succession faire étalage de leurs ambitions de façon aussi inélégante, mais le PQ aura moins de temps pour choisir un nouveau chef que si le nouveau gouvernement était majoritaire.
Jusqu’au dernier débat, M. Lisée avait fait une campagne remarquable, mais le va-tout qu’il a joué en se lançant dans une attaque tous azimuts contre Québec solidaire risque de lui être vivement reproché. Même s’il réussit à conserver son siège, il ne sera de toute évidence pas la personne indiquée pour reprendre le nécessaire dialogue avec QS.
Après la défaite de 2007, le remplacement d’André Boisclair par Mme Marois avait été expéditif, mais il serait étonnant que celui ou celle qui succédera à M. Lisée soit élu par acclamation. Durant la course à la chefferie, le PQ n’aura pas d’autre choix que de soutenir le gouvernement.
En cas de défaite, François Legault et Philippe Couillard vont se retrouver dans des situations très différentes. La CAQ est la créature de M. Legault et personne ne lui montrerait la porte, même si ses maladresses avaient coûté la victoire à son parti. S’il le désirait, on ne lui refuserait pas une ultime tentative de réaliser son rêve de devenir premier ministre. Son défi serait plutôt de maintenir l’équipe qu’il a réussi à assembler.
M. Couillard a déjà réalisé son rêve, et ce brillant touche-à-tout pourrait très bien décider de passer à autre chose. La perspective d’un retour dans l’opposition lui apparaîtrait sans doute intolérable. D’ailleurs, les libéraux ne lui portent pas la même affection qu’à son prédécesseur, Jean Charest, ou à Robert Bourassa. Ils n’auraient aucune objection à son départ. Ils pourraient plutôt l’encourager.
Après avoir déclaré au Devoir qu’une réforme du mode de scrutin exigerait soit l’unanimité de l’Assemblée nationale, soit la tenue d’un référendum, M. Couillard a réalisé que le mot « référendum » rimait très mal avec PLQ.
Il n’a cependant pas retiré sa menace de précipiter le déclenchement d’élections si les partis d’opposition utilisaient leur majorité parlementaire pour imposer la proportionnelle, à laquelle il s’oppose de façon catégorique.
La CAQ, le PQ et QS ont signé officiellement un pacte pour faire en sorte que l’élection du 1er octobre soit la dernière à être tenue avec le mode de scrutin actuel. S’ils décident de passer aux actes, un gouvernement minoritaire libéral pourrait donc être particulièrement éphémère.
Inversement, un gouvernement de la CAQ aurait un argument de poids pour s’assurer du soutien du PQ et de QS. Même si QS a réussi à progresser dans le cadre du système actuel, il est clair que l’introduction de la proportionnelle lui ouvrirait de plus grandes perspectives.
Au PQ, plusieurs ont longtemps pensé que seul le scrutin uninominal à un tour pouvait lui permettre de former un gouvernement capable d’imposer la tenue d’un référendum sur la souveraineté. Ce n’est plus le cas. Au contraire, cela semble devenu un empêchement, tandis que la proportionnelle faciliterait une union des forces souverainistes sur le modèle catalan.
Une réforme de cette importance ne se fera cependant pas en un tournemain. Le PQ et QS devront accorder du temps à un gouvernement Legault, qui ne manquera pas d’en profiter pour leur faire avaler quelques couleuvres.