Une des plus importantes causes du cynisme envers la classe politique que tout le monde déplore est sans doute la multiplication des promesses qu’on fait en sachant qu’on ne les tiendra probablement pas.
Mardi, François Legault a invité ses députés fraîchement assermentés à s’élever au-dessus de la partisanerie. Le député de Beauce-Sud, Samuel Poulin, qui faisait partie d’un nouveau duo mandaté pour rencontrer les journalistes à la place du premier ministre, a promis ce « changement de ton dont on a tant besoin » à l’Assemblée nationale.
Cet ancien attaché politique était cependant bien conscient de reprendre un refrain si éculé qu’il est maintenant perçu comme un vœu pieux, sinon comme une insulte à l’intelligence. Qui croit encore à une réelle volonté de « faire de la politique autrement » ?
Les conséquences de cette dépréciation étaient perceptibles depuis longtemps. Au début des années 1990, Gérald Godin confiait déjà à Pauline Julien : « Il faut renouveler les institutions et les mœurs électorales si on veut que la jeune génération s’intéresse à la politique. »
En 2011, l’ancien député péquiste de Labelle, Sylvain Pagé, avait publié un « Manifeste pour une nouvelle culture politique » qui était un véritable cri du coeur. « Par ce manifeste, je m’oppose à la partisanerie, à la ligne de pensée unique et à une culture politique dépassée et déconnectée de la population. Nous sommes mûrs pour changer notre culture politique d’opposition pour une culture de collaboration », écrivait-il en préface.
Désireux de prêcher par l’exemple, M. Pagé avait depuis longtemps cessé d’applaudir les tirades de ses collègues durant la période de questions à l’Assemblée nationale, refusant de collaborer à cet exercice de « politicaillerie » auquel se livraient aussi bien le gouvernement que l’opposition et qui consistait moins à faire valoir des arguments de fond qu’à entacher la réputation de l’adversaire.
En septembre 2015, une motion interdisant les applaudissements a été adoptée à l’unanimité. Force est toutefois de constater que cette réduction de décibels n’a rien changé à ce que Manon Massé qualifiait de « culture guerrière ».
Certes, la politique n’a rien d’un jeu de dominos et le Salon bleu n’est pas un salon de thé. La nécessaire confrontation des idées rend inévitable que les esprits s’échauffent à l’occasion, mais le manque de civilité ou d’honnêteté intellectuelle devrait constituer l’exception.
La bonne volonté de celui qui est pressenti pour succéder à Jacques Chagnon au poste de président, François Paradis, ne fait aucun doute. Ce spécialiste des lignes ouvertes se mettra d’emblée à l’écoute de la population, et il ne devrait pas avoir trop de mal à convaincre ses collègues de se montrer plus frugaux dans leurs frais de voyage.
« Départisaniser » les débats parlementaires est une autre affaire. En 2015, François Legault estimait que la fin des applaudissements ne constituait qu’une première étape. Il proposait dans un deuxième temps de donner plus de pouvoirs au président, notamment celui de juger si le gouvernement répond de bonne foi aux questions qui lui sont adressées ou s’il cherche à les éviter. L’idée était excellente. Il reste à voir si le premier ministre la trouve toujours aussi intéressante qu’à l’époque où il dirigeait le deuxième groupe d’opposition.
Il faut reconnaître que la démocratie québécoise a grandement bénéficié de la révision des règles de financement des partis politiques, qui ne correspondaient plus aux objectifs de la réforme réalisée il y a quarante ans.
On disserte depuis des décennies sur la nécessité d’assouplir la « ligne de parti », qui donne l’impression que les députés sont de simples exécutants dépourvus de convictions personnelles. Il est vrai que certains d’entre eux semblent très heureux de se fier aux directives venues d’en haut, ce qui leur évite d’avoir à s’informer eux-mêmes ou à réfléchir.
Personne ne veut cependant en prendre l’initiative. Sur la question des signes religieux, qui interpelle la conscience de chacun, même Québec solidaire ne semble pas disposé à laisser ses députés voter librement. Comme dans les « vieux partis », leur liberté d’expression devrait s’exprimer à l’intérieur du caucus.
Le nouveau gouvernement aura une première occasion de démontrer son nouvel esprit de collaboration en acceptant de reconnaître au PQ et à QS le statut de partis officiels, avec les ressources qui en découlent, même si les résultats du 1er octobre ne les qualifient pas.
Si M. Legault est sincère dans son engagement de modifier le mode de scrutin d’ici la prochaine élection, pourquoi ne pas commencer dès maintenant à adapter les règles parlementaires à une multiplication des groupes parlementaires qui deviendra réalité ? D’ailleurs, s’il ne le fait pas par vertu, il peut toujours le faire par calcul, ayant tout intérêt à donner au PQ et à QS les moyens d’entretenir une rivalité qui a très bien servi la CAQ jusqu’à maintenant.