Une analyse post-électorale n’est jamais un exercice facile pour un parti politique et le PLQ n’a pas l’habitude des remises en question. La défaite y est généralement considérée comme un simple accident de parcours. Il a pris une telle raclée le 1er octobre dernier qu’un véritable examen de conscience semble s’imposer, mais cela s’annonce encore une fois très malaisé.
On peut comprendre que les libéraux ne tiennent pas à s’autoflageller en public, mais l’insignifiance des quelques éléments d’explication avancés par le chef intérimaire, Pierre Arcand, soulève un sérieux doute sur leur volonté ou leur capacité d’aller au fond des choses. Déjà reconnu pour son application à en dire le moins possible, M. Arcand donne l’impression de marcher sur des oeufs dès qu’il s’agit d’expliquer la défaite de son parti.
Il est sans doute vrai que l’annonce du départ de plusieurs ministres en fin de parcours au moment où la CAQ annonçait l’arrivée de candidats vedettes a renforcé la « perception » d’un gouvernement usé jusqu’à la corde, mais le problème est surtout que le PLQ n’a pas été en mesure d’en attirer d’aussi bons.
M. Arcand a également déploré que les engagements libéraux en matière d’environnement soient survenus trop tard dans la campagne et qu’ils ne fussent pas de nature à frapper les imaginations. Les jeunes libéraux n’ont pas tardé à trouver la solution. Il suffit d’ajouter la lutte contre les changements climatiques aux huit « valeurs libérales » établies par Claude Ryan dans son opuscule de 2002 et hop, le tour est joué.
Si c’était là le problème, comment expliquer que la CAQ ait réussi à balayer le Québec alors que sa plateforme électorale était totalement muette sur l’environnement ? Inversement, le PQ a fait d’excellentes propositions à ce chapitre et il s’est retrouvé avec seulement dix députés. De toute évidence, il faudra trouver d’autres raisons à la déconfiture du PLQ.
Le danger principal danger qui guette le PLQ est le déni d’une déconnexion avec la majorité francophone, que les résultats du 1er démontrent pourtant de façon évidente.
Alors que certains, comme l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur, Hélène David, voudraient le voir prendre un virage nationaliste, M. Arcand soutient que le rapprochement avec les francophones passe plutôt par le nationalisme économique, qu’illustre à ses yeux le Plan Nord de Jean Charest.
Les libéraux n’ont jamais voulu envisager la possibilité que le parti, qui a été le grand artisan de la Révolution tranquille, n’arrive plus à répondre aux aspirations des francophones. Quand les résultats électoraux n’étaient pas au rendez-vous, on a toujours préféré conclure à un problème de relations avec les « régions », sans prendre acte qu’elles ont surtout en commun d’être habités par des francophones.
On peut bien allonger la liste des « valeurs libérales », mais le PLQ a clairement perdu de vue au cours des dernières années celle que Claude Ryan définissait comme « l’identification au Québec », dont il disait qu’elle « passe d’abord par l’identification à la majorité francophone », ses aspirations, sa langue, sa culture, son histoire, ses modes de vie.
La question est de savoir comment cette identification peut se traduire dans des politiques concrètes. La composition de ce qui reste du caucus libéral ne facilitera pas les choses. Seulement 4 des 29 députés proviennent de l’extérieur de la région de Montréal. La majorité d’entre eux représentent des circonscriptions à majorité ou à forte proportion non francophones.
Il est parfaitement normal que les députés fassent écho aux préoccupations de ceux qui les ont élus. On ne peut pas s’attendre à ce que ceux qui représentent des circonscriptions à majorité non francophone deviennent d’ardents promoteurs d’un réel renforcement des mesures de francisation ou encore de l’interdiction des signes religieux.
D’ici Noël, le président du PLQ, Antoine Atallah, fera la tournée des régions du Québec pour recueillir l’opinion des militants. Il a promis de retourner chaque pierre, mais certaines seront manifestement plus lourdes que d’autres.
D’ailleurs, que reste-t-il exactement de la base militante du PLQ ? Dans un rapport présenté à la direction du parti à l’été 2016, le président de la commission politique, Jérôme Turcotte, en avait brossé un portrait très sombre : « À l’heure actuelle, plusieurs militants, dont moi-même, ont le sentiment que le PLQ est de plus en plus en train de devenir une marque de commerce servant à faire élire une aile parlementaire, qu’il a délaissé le militantisme, et [qu’il] est de moins en moins un réel parti ancré dans une participation citoyenne active. »
En réalité, le PLQ a depuis longtemps abandonné à son chef le soin de définir ses orientations, se contentant de le faire élire. Or, il n’y a plus de chef. En attendant que le prochain soit choisi, l’examen de conscience risque d’être très sommaire.
Pierre Arcand donne l’impression de marcher sur des oeufs dès qu’il s’agit d’expliquer la défaite de son parti.