Jair Bolsonaro, encore pire que Trump ? Le nouveau président du Brésil, élu hier par 56 % des électeurs, est un nostalgique déclaré de la dictature militaire qui a sévi de 1964 à 1985… un régime moins sanglant que ceux de l’Argentine et du Chili à la même époque, mais néanmoins brutal et fascisant.
Longtemps obscur député, essentiellement connu pour son art de l’insulte et de l’outrance verbale, Jair Bolsonaro est sorti de l’ombre le 17 avril 2016, à l’occasion d’un discours remarqué en faveur de l’impeachment de l’ancienne présidente Dilma Rousseff.
Lors du freak show qui avait alors tenu lieu de vote pour accuser Mme Rousseff à la Chambre des députés, Bolsonaro avait dédié son vote à l’ancien colonel Brilhante Ustra, qui avait dirigé la torture sous la dictature. Rousseff ayant elle-même été torturée au début des années 1970 par l’armée brésilienne, l’allusion était transparente et terrifiante.
Le catalogue des outrances de Jair Bolsonaro est long ; il bat sans aucun doute celui de Donald Trump.
« Si mon fils était homosexuel, je préférerais qu’il meure dans un accident de voiture », a-t-il déclaré à un magazine en 2011. À une assemblée de partisans, il a déclaré qu’il faudrait « fusiller » tous les militants du Parti des travailleurs, le PT de Lula da Silva, de Dilma Rousseff et du candidat malheureux Fernando Haddad.
Dans les derniers jours de la campagne, il en a rajouté une couche : « Ces bons à rien de rouges seront bannis du pays. Ils auront le choix entre la prison ou l’exil. Ce sera un nettoyage comme on n’en a jamais vu dans toute l’histoire du Brésil. »
Dans la bouche de Bolsonaro, le thème de « l’épuration » est obsessionnel. Il est d’abord de nature idéologique (en finir avec le socialisme, le gauchisme, l’anarchisme, le communisme). Mais le thème racial n’est jamais loin non plus… Bolsonaro a ainsi répondu à un journaliste qui lui demandait ce qu’il ferait si sa fille sortait avec un Noir : « Ça ne pourrait jamais arriver. Je n’ai pas élevé mes enfants comme ça. »
On peut aligner les citations pour faire la preuve que Jair Bolsonaro, le personnage politique — moins dans son programme, fumeux et contradictoire, que dans ses déclarations réitérées — est un authentique fasciste.
Qu’est-ce qui explique ce raz de marée de 56 % en faveur d’un candidat extrémiste ? On citera certes la désinformation en ligne, la maîtrise des réseaux sociaux et des rumeurs (« Si la gauche de Haddad gagne, ce sera le Venezuela ; le gouvernement va vous confisquer vos enfants », etc.).
Mais il n’y a pas que ça. Il y a au Brésil le sentiment — en partie fondé, en partie exagéré par une rhétorique catastrophiste — d’une débâcle après les années optimistes de l’ère Lula…
Débâcle économique, avec une récession qui a été très forte en 2013, en 2014… même s’il y a reprise depuis 2017.
Débâcle sécuritaire, avec les histoires d’homicides au quotidien… même si les chiffres, qui sont très élevés — 30 morts par année par tranche de 100 000 habitants — n’ont pas tellement bougé ces dernières années.
Débâcle du système politique, avec une corruption réelle et endémique, mais pour laquelle le PT — avec la condamnation de Lula et son exclusion de la course, il y a deux mois — a trinqué plus que les autres, et de façon injuste… La condamnation de Lula, éminemment politique, était dénuée de preuves matérielles et basée uniquement sur la déclaration d’un délateur.
Pour finir : la décadence de la société, la dévalorisation (selon Bolsonaro) de la morale traditionnelle et de la religion, la prétendue « guerre à la famille »… Avec ce thème, Bolsonaro s’est assuré l’appui des Églises évangélistes et la mobilisation à son profit d’une partie des classes populaires.
Ajoutons-y une gauche fatiguée, malgré la compétence, la modération et la probité (probables) de Fernando Haddad. On a réussi à imposer l’idée qu’il fallait, en toute priorité, chasser le PT… auquel on a réussi à coller tous les péchés du Brésil.
Un authentique fasciste a conquis démocratiquement la présidence du Brésil. Cela signifie-t-il que le pays bascule lui-même dans le fascisme ? C’est la grande inconnue du jour, au Brésil et ailleurs dans le monde…