En dehors de la Francophonie, l’environnement est un des rares domaines où le Québec peut faire entendre une voix distincte de celle du Canada sur la scène internationale. Certaines rencontres ont même donné lieu à de sérieux affrontements avec Ottawa. Au Sommet de Copenhague sur les changements climatiques, en décembre 2009, Jean Charest avait jugé très sévèrement l’action du gouvernement Harper ; il avait déploré publiquement la timidité de ses cibles de réduction des GES, l’accusant d’être à la remorque des États-Unis dans la lutte contre le réchauffement de la planète.
À la COP21, tenue à Paris en novembre 2015, Philippe Couillard avait été moins virulent à l’endroit de Justin Trudeau, nouvellement élu, mais il avait néanmoins souligné que les objectifs du Québec étaient nettement plus ambitieux que ceux du reste du Canada.
Les trois partis d’opposition à l’Assemblée nationale et les groupes environnementaux pressent aujourd’hui François Legault de participer à la COP24, qui aura lieu du 3 au 14 décembre à Katowice, en Pologne. Il a finalement décidé de ne pas s’y rendre.
Le nouveau premier ministre « doit montrer à la face du monde que le Québec est sérieux [sur l’enjeu des changements climatiques] et qu’il veut continuer à exercer le leadership que nous démontrons depuis nombre d’années », a déclaré le chef intérimaire du PLQ, Pierre Arcand.
Le porte-parole de Greenpeace, Patrick Bonin, a ajouté que « c’est un passage presque obligé pour un nouveau gouvernement qui doit mettre les bouchées doubles parce qu’il est arrivé les mains vides en campagne électorale sur la question des changements climatiques ».
Il est vrai que M. Legault a beaucoup de choses à prouver en matière d’environnement, et plus particulièrement de réduction des émissions de GES. Depuis son entrée en politique, il y a vingt ans, personne n’avait encore perçu la « sincère préoccupation pour les défis environnementaux » qu’il a évoquée lors de la présentation de son Conseil des ministres.
Jusque-là, les positions de la CAQ, qu’il s’agisse de l’exploitation du pétrole d’Anticosti, du développement d’autoroutes ou encore de la réouverture du parc du Mont-Tremblant aux motoneiges, semblaient plutôt traduire une sorte d’indifférence.
M. Legault n’avait pas encore été assermenté quand il s’est rendu au XVIIe Sommet de la Francophonie, en Arménie, à peine dix jours après son élection. Les enjeux de la conférence de Katowice sont peut-être complexes, mais cela n’est pas une raison. Justin Trudeau avait eu encore moins de temps pour se préparer à celle de Paris.
On peut très bien comprendre que le nouveau gouvernement n’ait pas eu le temps de terminer la révision du Plan d’action 2013-2020, dont l’objectif d’une réduction de 20 % des émissions de GES par rapport à 1990 est en voie d’être manqué. Il n’était cependant pas trop tôt pour envoyer un signal au reste de la planète.
La coïncidence avec la brève session qui s’ouvrira à l’Assemblée nationale le 27 novembre plaçait cependant M. Legault face à un sérieux dilemme. Il aurait pu être présent à l’ouverture de la session et prononcer le message inaugural avant de se rendre en Pologne à temps pour participer à la conférence, mais que se serait-il passé au Québec en son absence ?
On ne peut s’empêcher de penser que la principale raison de son désistement est la perspective de laisser ses ministres se débrouiller seuls face aux attaques des partis d’opposition et aux questions des médias.
Les premiers pas de plusieurs d’entre eux ont été pour le moins laborieux, et on doit certainement aiguiser les couteaux dans les officines de l’opposition. La vice-première ministre, Geneviève Guilbault, et le leader du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, qui auraient dû « garder le fort », possèdent d’indéniables qualités, mais ils n’ont aucune expérience ministérielle.
Le passage de l’opposition au gouvernement exige une adaptation. Critiquer sans nuance est une chose, faire les arbitrages nécessaires en est une autre. Qui plus est, pendant que les nouveaux ministres doivent faire leur apprentissage, ceux qui les ont précédés ont une meilleure connaissance des dossiers.
La prestation la plus gênante a été offerte par la nouvelle ministre de l’Environnement, MarieChantal Chassé, qui avait l’air complètement perdue quand elle a été invitée à commenter la nouvelle taxe sur le carbone annoncée par le gouvernement Trudeau.
Elle devra maintenant remplacer M. Legault en Pologne. À la COP21, la bonne performance de David Heurtel, qui avait grandement impressionné le premier ministre Couillard, lui avait permis de sauver son poste, devenu très précaire. Souhaitons à Mme Chassé de ne pas aggraver son cas en Pologne.