Le marché immobilier, tant canadien que québécois, est engagé sur la voie du retour à l’équilibre. À Montréal, même l’état de surchauffe du marché de la revente devrait se résorber graduellement, sans intervention extérieure.
Dans sa dernière annonce d’une hausse de 25 points de base de son taux directeur, la Banque du Canada avait salué le redressement progressif du marché immobilier canadien, sous le double effet du resserrement des règles hypothécaires et de la remontée du loyer de l’argent. Or, si cet ajustement se vérifie là où il y avait poche de surchauffe, à Toronto et à Vancouver, le marché de la revente du Québec n’en continue pas moins de se démarquer. Sa vitesse de croisière est aujourd’hui l’une des plus rapides sur l’ensemble canadien, souligne Hélène Bégin, économiste principale au Mouvement Desjardins.
Ici, les ventes sont en hausse de 2,5 % en septembre, contrastant avec un repli quasi généralisé ailleurs. Pour les neuf premiers mois, l’augmentation des transactions sur le système interagences est de 4,5 %. « Le Québec est en voie de fracasser un nouveau sommet d’environ 86 000 ventes cette année », fait ressortir l’économiste.
Évidemment, les prix suivent. La poussée sur un an est de 7,8 % en septembre, pour un prix de vente moyen de 317 173 $. À ce rythme, la progression devrait être de l’ordre de 5 % en 2018. Et cette augmentation des prix n’est pas que montréalaise, puisqu’elle s’observe dans la quasi-totalité des régions.
Une fois cela dit, « ce cycle haussier n’a rien d’exceptionnel ». Hélène Bégin rappelle l’augmentation annuelle de plus de 10 % observée pendant trois années consécutives au début de 2000, un rythme qui s’est maintenu entre 5 et 10 % pendant le reste de la décennie. Quant au cycle d’expansion actuel du marché de la revente, il a débuté en 2015 au Québec. « L’évolution récente n’a rien de préoccupant, à l’exception de celle de Montréal, qui vient d’entrer dans une zone de surchauffe. »
La Société canadienne d’hypothèques et de logement le soulevait dans sa dernière Évaluation du marché de l’habitation. La SCHL soulignait alors que pour le septième trimestre de suite, le degré de vulnérabilité globale demeure faible à Montréal. « Néanmoins, le marché de la revente de Montréal frôle la surchauffe à la suite du resserrement marqué de l’écart entre l’offre et la demande, qui exerce de fortes pressions à la hausse sur les prix. » Montréal gravite autour de cette zone depuis deux trimestres, maintenant.
Et qui dit surchauffe dit pression spéculative, sous l’action des acheteurs étrangers. Du moins, il est devenu réflexe de faire ce lien en s’inspirant de l’expérience vécue à Toronto et à Vancouver. Des médias ont mentionné cette semaine que la Ville de Montréal y faisait justement référence et que l’administration Plante souhaitait obtenir de Québec le pouvoir de taxer les acheteurs étrangers. Or entre la perception et la réalité…
Influence étrangère
Dans une étude publiée en juin basée sur un sondage réalisé à l’automne 2017, la SCHL indiquait avoir mesuré que plus de 42 % des nouveaux acheteurs de logement dans la région de Montréal évoquaient cette forte influence des investisseurs étrangers sur la hausse des prix. L’organisme fédéral se disait surpris de cette proportion, compte tenu de la faible présence des acheteurs étrangers sur le marché montréalais et du fait que leur comportement ne se démarque pas vraiment des autres. En fait, le nombre de ces acheteurs a augmenté, mais leur poids relatif reste minime. Aussi, les acheteurs étrangers ont moins tendance que les autres à verser dans la surenchère.
La SCHL donnait également l’exemple de Vancouver et de Toronto, où la proportion de nouveaux acheteurs de logement estimant que les investisseurs étrangers exerçaient une forte influence sur les prix atteignait 68 % et 48 % respectivement. Mais citant Statistique Canada, la proportion de logements tous types confondus appartenant à des propriétaires non-résidents était de 4,8 % à Vancouver, de 3,4 % à Toronto.
À Montréal, de janvier à août, à peine 1,5 % des logements négociés ont été achetés par des non-résidents. « La plupart des achats effectués par des étrangers sont des copropriétés au centre-ville de Montréal, et ce, dans une proportion de 12 % de ce marché », ajoute Hélène Bégin. Les acheteurs d’origine chinoise sont plutôt présents, avec des transactions en hausse de 64 % par rapport à janvier-août 2017. Ce nombre est toutefois en grande partie compensé par une activité moindre des acheteurs d’autres pays, notamment des Français et des Américains.
Au bout du compte, « la remontée des taux d’intérêt qui se poursuivra va freiner la demande à compter de l’an prochain », et ce, tant dans l’existant que dans la construction neuve. Pour sa part, le marché montréalais devrait revenir graduellement près d’une situation d’équilibre, conclut Hélène Bégin. L’économiste estime que la progression l’an prochain oscillera plutôt entre 2 et 2,5 %.