Les porte-parole de Québec solidaire avaient profondément agacé les libéraux en déclarant que leur parti serait la « véritable opposition officielle » au gouvernement Legault. Dans la mesure où le PLQ et la CAQ ont été bonnet blanc et blanc bonnet depuis des années, c’est QS qui constituait une réelle solution de rechange, faisaient-ils valoir. De toute manière, aussi bien le PLQ que le PQ allaient devoir consacrer l’essentiel de leurs énergies à redéfinir leur raison d’être et à trouver un nouveau chef.
Le palmarès des cent personnes les plus influentes du Québec publié dans le numéro de janvier du magazine L’actualité tend à justifier les prétentions de QS. Alors que ses deux porte-parole font bonne figure au palmarès, il n’y a aucun élu libéral, qu’il soit toujours en poste ou à la retraite.
Il est dans l’ordre des choses que le premier ministre François Legault se retrouve en première place et que quatre de ses ministres soient également sur la liste. Il est plus intrigant que Manon Massé et Gabriel Nadeau-Dubois arrivent au 33e et au 34e rang respectivement, alors que QS est celui des quatre partis officiellement reconnus à l’Assemblée nationale qui a obtenu le moins de voix.
Il est vrai que les chefs intérimaires sont sérieusement handicapés par leur statut temporaire. Pierre Arcand — tout comme Pascal Bérubé au PQ — est appelé au mieux à devenir un brillant second. Le palmarès de L’actualité n’en illustre pas moins de façon très claire la panne d’influence qui frappe un parti qui s’est longtemps perçu comme le « parti naturel de gouvernement ».
Celui dans lequel plusieurs voyaient un futur chef, Alexandre Taillefer, arrive au 68e rang, et on estime son influence en baisse. Un homme comme Mario Dumont (16e) permettrait peut-être au PLQ de se remettre en selle, mais l’ancien chef de l’ADQ, devenu un commentateur vedette, ne donne aucun signe de vouloir reprendre du service. D’ailleurs, on l’imaginerait mieux à la CAQ.
On retrouve sur la liste les deux personnalités qui incarnent parfaitement les avenues opposées entre lesquelles le PQ devra éventuellement choisir. On ne sait pas si les péquistes, qui l’ont vu à l’oeuvre, voudraient encore de Pierre Karl Péladeau ni si lui-même souhaite encore diriger le PQ. Au 7e rang, il est cependant clair que le maître de l’empire Québecor demeure un homme très influent.
Au 69e rang, Véronique Hivon est la sociale-démocrate modèle. Tout le monde aime la députée de Joliette. La question est de savoir si ses grandes qualités sont bien celles que requiert la fonction de chef.
Entre les deux, au 54e rang, Bernard Drainville. L’ancien ministre s’est refait une image derrière son micro. Il n’a jamais dit qu’il ne reviendrait pas éventuellement en politique, mais le souvenir de la Charte de la laïcité est sans doute trop récent.
L’éclipse de l’opposition n’a rien d’étonnant au lendemain d’une élection où un nouveau gouvernement a été élu de façon aussi convaincante. En politique, l’influence est cependant une chose éphémère. Le portrait pourrait être très différent dans quatre ans.
Lucien Bouchard est le seul ancien premier ministre qui apparaît au palmarès de L’actualité et on l’explique en partie par sa proximité avec François Legault. Jean Charest, qui a dirigé le Québec bien plus longtemps et bien plus récemment, n’y figure pas.
Il ne faut pas confondre l’influence et la popularité. Comme le souligne L’actualité, si la popularité avait été un critère, Céline Dion apparaîtrait assurément sur la liste et en bonne place, alors que le chef de cabinet du premier ministre, Martin Koskinen, ne serait pas au 10e rang.
La présence des deux porte-parole de QS dans le premier tiers du classement n’en étonne pas moins. Personne ne conteste que Manon Massé a mené une très bonne campagne électorale et que Gabriel Nadeau-Dubois est solidement installé dans le paysage politique québécois.
Depuis le 1er octobre, c’est néanmoins la nouvelle députée de Taschereau, Catherine Dorion, qui a fait couler le plus d’encre et de salive. Beaucoup trop, d’ailleurs. Il y a sans doute des gens de valeur parmi les autres députés et députées que QS a fait élire, mais on ne peut pas dire qu’ils ont beaucoup retenu l’attention jusqu’à présent.
Outre le pouvoir que confère une institution aussi puissante que l’État ou une grande entreprise, l’équipe de L’actualité a pris en compte « la volonté de faire évoluer la société ».
À cet égard, même s’ils pourraient bien passer leur vie dans l’opposition, il faut reconnaître que les porte-parole de QS ont plusieurs longueurs d’avance sur les libéraux, qui se spécialisent depuis trop longtemps dans le maintien du statu quo.