Faible estime de soi, détresse psychologique, mauvaise alimentation, manque de soutien familial : les élèves de 6e année et du secondaire ayant une « santé globale » vulnérable sont trois fois plus à risque de décrocher à l’école que leurs comparses s’estimant en bonne santé.
C’est du moins ce que révèle une étude dévoilée lundi par la Direction de la santé publique (DSP) et le CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, dont Le Devoir a obtenu copie.
Le rapport s’appuie sur deux enquêtes de 2016-2017, portant sur la santé des jeunes de 6e année et du secondaire de la métropole. Plus de 17 000 jeunes avaient répondu aux questionnaires.
Résultat : parmi les élèves du secondaire qui se perçoivent en mauvaise santé globale, 31 % sont à haut risque de décrochage scolaire, tandis qu’ils ne sont que 12 % à l’être parmi ceux qui s’estiment en bonne santé. En 6e année, les proportions d’élèves plus à risque de décrocher sont de 11 % et de 4 % respectivement dans ces deux catégories.
Pour tracer le portrait de la situation, divers facteurs ont été pris en compte, allant de la santé mentale à la santé physique, en passant par la détresse psychologique, le réseau de soutien, l’état émotionnel ou encore les habitudes de vie des jeunes.
Si les élèves, à cet âge, sont en bonne santé physique, leur santé émotionnelle est préoccupante, indique la directrice régionale de la DSP de Montréal, la Dre Mylene Drouin.
Au secondaire, par exemple, 29 % des jeunes ayant peu confiance en leurs capacités sont à haut risque de décrochage comparativement à seulement 1 % de ceux s’estimant très efficaces. On retrouve des chiffres quasi similaires pour ce qui est de l’estime de soi.
Égalité des chances
Si le taux de décrochage scolaire dans les établissements publics du secondaire a diminué dans les dernières années à Montréal, il se situe encore autour de 16 %, rappelle Mme Drouin. Un élève de 6e année sur vingt est à risque de décrocher, et c’est un élève sur sept au secondaire.
« Clairement, la persévérance scolaire est un déterminant de santé, un levier puissant pour assurer une égalité des chances et réduire les inégalités sociales de santé. C’est clair qu’un jeune qui n’a pas son diplôme n’aura probablement pas un emploi qui va lui garantir un salaire suffisant », note-t-elle.
À cet égard, elle estime que lutter contre le décrochage scolaire est « l’affaire de tous : écoles, familles et communautés ». Elle met notamment l’accent sur le cadre familial, qui a un impact important dans la réussite de l’enfant. Selon le rapport, 45 % des jeunes du secondaire ayant rapporté avoir un faible soutien familial ont un risque élevé de décrochage comparativement à 11 % chez ceux qui bénéficient d’un soutien familial élevé.
« On doit travailler avec les familles. L’école seule ne peut pas avoir la réponse à tout », insiste Mme Drouin. Elle reconnaît toutefois que certaines familles en milieu défavorisées peinent à venir en aide à leurs enfants, les parents devant combiner parfois deux emplois pour subvenir aux besoins du foyer. Il est d’ailleurs prouvé que « les jeunes qui vivent dans un environnement moins favorisé économiquement sont plus nombreux à être à risque élevé de décrochage ».
Les organismes communautaires, comme les tables jeunesse de la métropole, leur viennent en aide en proposant de l’accompagnement aux familles ou de l’aide aux devoirs pour les élèves.
Pour la directrice régionale de la DSP, les politiques publiques ont aussi un rôle à jouer et les gouvernements devraient en faire plus. « Il faudrait des mesures directes pour aider ces familles, notamment dans les dimensions de la conciliation travail-famille ou la conciliation travail-études chez les jeunes aussi », estime Mme Drouin.