Ottawa a fait savoir qu’il verserait 78,7 milliards de dollars aux provinces et territoires l’an prochain, soit 56 milliards pour la santé et les services sociaux et 20 milliards pour la péréquation, dont 13 au Québec seulement.
Si ces versements sont proportionnels au nombre d’habitants pour la santé, ce n’est pas le cas pour la péréquation, qui est un programme de redistribution prescrit par la Constitution en fonction de la capacité des provinces d’offrir des services publics équivalents.
L’an prochain, le Québec aura donc droit à 1,548$ de péréquation par habitant comparativement à 2,61 $ pour le Nouveau-Brunswick et 2,09 $ pour la Nouvelle-Écosse, mais rien pour l’Ontario et la Colombie-Britannique, ni pour les provinces pétrolières de Terre-Neuve, de l’Alberta et de la Saskatchewan.
Selon une formule de calcul qui est revue tous les cinq ans, ces montants sont obtenus à partir de résultats économiques des trois dernières années. C’est dire que l’Ontario, qui a reçu quelques milliards depuis la crise de 2008 mais qui n’aura rien l’an prochain, pourrait y avoir droit à nouveau plus tard. Même l’Alberta pourrait se retrouver du côté des bénéficiaires un jour, qui sait ?
À entendre les plaintes en provenance des provinces de l’Ouest, ce sont elles qui financeraient les garderies du Québec. Ce qu’on ne veut pas dire, c’est que les Québécois paient surtout beaucoup plus d’impôt et de taxes que les autres Canadiens pour s’offrir ces services.
L’argent de la péréquation fédérale ne provient pas d’une taxe spéciale imposée aux Albertains, mais des mêmes tables d’impôt fédérales que celles auxquelles sont soumis tous les travailleurs et les entreprises du pays. Si les Albertains qui ne paient aucune taxe de vente chez eux décidaient de percevoir 10 % comme au Québec, ils nageraient dans les surplus !
En fait, les problèmes financiers temporaires de l’Alberta et de la Saskatchewan découlent avant tout du choix politique de se concentrer sur l’exploitation des hydrocarbures, un secteur terriblement cyclique. Certaines années, le gouvernement de l’Alberta, qui n’a aucune dette, perçoit des milliards en redevances pétrolières, mais contrairement à la Norvège, il les dépense entièrement au lieu d’épargner pour les jours difficiles et d’investir dans la diversification de son économie.
Par ailleurs, pendant toutes ces années où le prix du pétrole s’est maintenu à des niveaux élevés, le reste du pays a supporté des centaines de milliers de pertes d’emplois manufacturiers à cause de la hausse du dollar canadien.
L’Alberta et la Saskatchewan se retrouvent aujourd’hui en difficulté parce qu’elles ont toujours fait confiance aux sociétés privées, qui se sont contentées d’exporter la ressource au lieu de la raffiner sur place. Or, comme le marché ne fonctionne plus à leur satisfaction, voilà que ces mêmes sociétés ont demandé et obtenu du gouvernement néodémocrate albertain (en année électorale) d’imposer des quotas de production et d’acheter des locomotives et des citernes pour exporter le brut et en faire augmenter les prix.
Si le marché ne joue pas son rôle, ce n’est certainement pas à cause du Québec, de l’Ontario, ni même du fédéral, qui vient d’investir 4,5 milliards de l’argent de tous les Canadiens pour acquérir un pipeline dont le privé ne voulait plus, et pour en doubler la capacité. Ce n’est pas non plus à cause des provinces de l’Est ou du fédéral si la Cour suprême a donné raison aux Autochtones dans le dossier Trans Mountain et si les Américains retardent la construction de Keystone XL sur leur territoire. Pourquoi faudrait-il qu’Ottawa contribue en plus à l’achat de trains pour exporter un produit dont l’essentiel des profits reviendra aux producteurs privés ?
Lors de la rencontre des premiers ministres, la semaine dernière, François Legault n’a pas été très diplomate en qualifiant le pétrole albertain de « sale », mais il a eu raison de refuser d’appuyer la résurrection du projet Énergie Est, auquel TransCanada a renoncé d’elle-même, il y a plus d’un an. M. Legault sait très bien que ce projet mort-né destiné exclusivement à l’exportation n’a jamais obtenu l’appui des Québécois. De toute façon, qui devrait investir les 15 milliards nécessaires ? Ottawa ? Absurde !
Si les provinces riches veulent voir diminuer les paiements de péréquation à l’intention du Québec, du Manitoba et des Maritimes, le meilleur moyen est d’investir dans leur économie en favorisant l’achat d’hydroélectricité, la construction de navires et d’aéronefs et le développement d’entreprises de haute technologie. Certainement pas en tentant d’acheter leur soutien politique avec un chèque d’aide sociale.