Plusieurs des négociations locales entre les établissements de santé et leurs travailleurs se trouvent dans une impasse. Au coeur du litige : la mobilité du personnel sur les grands territoires des établissements fusionnés, affirment les différents syndicats.
La moitié des unités syndicales en négociation à travers le réseau de la santé seulement est arrivée à une entente dans les temps prévus, selon les informations colligées par Le Devoir. Plus du tiers commence actuellement un processus de médiation et d’arbitrage. Pour la plupart des établissements, la date butoir avant de passer à cette étape était le 30 septembre dernier. L’échéance est fixée plus tard en octobre pour quelques syndicats.
Les discussions se sont d’abord poursuivies en début de semaine, et des ententes ont même été conclues in extremis, puisque la loi le permet malgré l’atteinte de la date limite. Mais la partie patronale s’est soudainement retirée de plusieurs tables de négociation actives. L’Alliance du personnel professionnel et technique (APTS), notamment, affirme que ses discussions, dans 18 établissements différents, ont toutes été suspendues unilatéralement.
Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) assure n’avoir donné aucune orientation dans ce sens aux établissements, mais qu’il est possible que « les p.-d.g. des établissements aient partagé leur position à ce sujet ».
La réforme Barrette
Conséquence directe de la loi 10 et de la réforme menée par le ministre de la Santé sortant, Gaétan Barrette, au-delà de 80 unités syndicales devaient renégocier leurs conditions de travail non financières à travers le réseau. En 2015, chaque nouveau grand CISSS ou CIUSSS s’est retrouvé avec plusieurs conventions collectives locales pour chacune des quatre catégories d’emploi. Les allégeances syndicales ont changé à la suite d’un grand maraudage, et la négociation s’est amorcée.
« Avec la réforme Barrette, ce qui me renverse, c’est de voir des employeurs se battre pour conserver les pires conditions de travail », dénonce Josée Marcotte, vice-présidente à la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS–CSN).
Les employeurs poussent pour réécrire les nouvelles ententes sur la base des conventions collectives les moins avantageuses, selon elle.
« Personne ne va sortir du processus avec l’entente du siècle, poursuit-elle. On tente plutôt d’amenuiser les effets de la réforme. »
Le MSSS assure ne donner « aucune orientation » aux établissements « quant aux solutions à privilégier pour la négociation ».
La médiation-arbitrage « ne constitue pas la fin des négociations », assure le MSSS, qui dit avoir bon espoir que d’autres ententes se concluent bientôt en médiation.
Si cela échoue, l’arbitre devra trancher, pour chaque matière toujours en litige, entre les propositions patronale et syndicale.
Mobilité
« Le gros noeud dans les négociations, c’est le port d’attache et les déplacements. Ce n’est pas aux travailleurs de faire les frais de la fusion et de la loi 10 ! » dénonce Sébastien Goulet, conseiller au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP–FTQ), qui représente notamment des préposés aux bénéficiaires.
Le syndicat qui représente les psychologues, l’APTS, n’a obtenu qu’une entente de principe sur 19 accréditations syndicales. « Il y a quelques établissements où ça ne va vraiment pas bien, dit sa présidente, Carolle Dubé. On est face à des employeurs qui ont des demandes qui n’ont pas de sens, qui sont des reculs ! »
Pourtant, ils ne sont pas en désaccord avec « une certaine mobilité ». « Mais quand les gens postulent à un poste, ils doivent savoir où ils vont travailler ! » poursuit-elle.
« On a l’air d’oublier que les travailleurs, ce sont surtout des femmes », ajoute Josée Marcotte.
Dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre et d’un haut taux de congés de maladie dans le réseau, il faut plutôt améliorer les conditions de travail, affirme Danny Roy, président du Syndicat des professionnèles, techniciennes et techniciens de la santé et des services sociaux (SPTSSS–CSN). « L’employeur nous présente une vision où, pour éviter tout bris de service, il veut déplacer les gens à sa guise », dit-il.
« Le message qu’on veut véhiculer au nouveau gouvernement, c’est : prenez nos propositions au sérieux, en appelle Claire Montour, qui préside la Fédération de la santé du Québec–CSQ. On veut s’attaquer à la pénurie, considérez nos demandes pour devenir attractifs ! »
Pour le MSSS, outre la mobilité, d’autres enjeux sont centraux : « Pour les établissements, la dispensation de soins et de services sécuritaires et de qualité est primordiale, et les dispositions locales doivent contribuer à celle-ci », indique la responsable des communications, Noémie Vanheuverzwijn.
Manifestations, pose d’autocollants sur les murs et les planchers, port de vêtements civils, événements de mobilisation : les syndicats toujours sans règlement usent de divers moyens de pression, mais n’ont pas de droit de grève pour les négociations locales.